200930 La vraie fausse histoire du Smgp

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Mercredi 30 septembre 2020

Cartes IGN n°2314 OT, 2214 ET, 2313 OT, 2413 OT, 2414 ET, 2415 OT, 2315, OT.

Hier soir, j’ai eu du mal à retrouver cette capture d’écran au fond de mon disque dur. C’est l’instantané de nos hypothèses de tracé enregistré le 9 décembre 2018. Parce que « Le Sentier du Grand Paris, un guide de randonnée à travers la plus grande métropole d’europe » est lancé officiellement demain soir en grande pompe au Pavillon de l’Arsenal. En fait ça fait presque deux ans que je voulais écrire un billet à partir de cette image. Il doit y avoir une logique là dedans. Les choses mettent du temps à se faire et je n’ai pas attendu Damasio pour devenir furtif, ou bien l’élaboration du sentier m’a privé du temps d’écrire ? En tout cas j’ai multiplié les kilomètres parcourus à pieds au point d’arriver avec mes collègues à une certaine expérience et perception du grand machin, de ce léviathan représenté ci-dessus, cette sorte de très grande ville que la plus part refusent toujours de regarder. Et c’est peut-être ce refus qui est à l’origine à la fois de « banlieuedeparis » et du projet des Sentiers Metropolitains. Regarder ces grands phénomènes monstrueux droit dans les yeux au risque de rester pétrifié face à la Gorgone ?

Cela commence donc fin 2016, dans un bistrot du quartier des Halles, hyper-centre du grand machin. Probablement parce que à ce moment là, Baptiste, Paul Hervé et Alexandre, se rendent compte qu’ils ne pourront pas mettre en œuvre une telle histoire tous seuls, surtout qu’ils ne sont pas parisiens, ils ont appelés Jens et son association à la rescousse, et Jens qui avait déjà l’idée de créé un sentier à Paris m’a appelé ou plutôt je l’ai appelé exactement au moment où ils étaient dans le bistrot. Allé savoir.. Cela reste très mystérieux. Mais tout de même, je devais leur foutre un max la pétoche aux garçons du sud, parce que ça faisait trois ans qu’ils me snobaient, j’avais tenté de les rejoindre en vains pendant la Révolution de Paris, en 2014, mais non, ils faisaient ça en duo, juste dans la foulé du GR2013. Ils devaient avoir de bonnes raisons de me tenir à distance les loustics. Faut dire que leur petit tour en première couronne, était carrément pas à l’échelle mais bon, c’est une bonne première découverte et puis beaucoup trop d’églises et de centralités pour moi dans ce voyage. Et moi pendant se temps là, un peu comme Jens, je fomentais l’idée de créer un Sentier Metropolitain qui suivrait le chantier du Grand Paris Express, et oui pour de vrais, en commençant par la ligne 15 sud évidemment. J’ai même organisé quelques repérages publics avant de stupidement expliquer ce projet à un certain Patrick.

Juste après la réunion des Halles, Paul-Hervé nous présente son principe du Trilobe mais qui n’est pas encore dessiné, c’est l’objet d’une autre réunion, sur table à Ivry. C’est l’occasion pour moi de me lancer dans un petit exercice simple qui consiste à comparer la Michelin n°101 et n°106 (ce sera j’espère l’objet d’un autre livre à paraître chez Wildproject). Je convaincs assez vite notre petit groupe qu’on ne peut pas éviter d’englober au moins les villes nouvelles et finalement on se lance collectivement avec un gros marqueur vert sur la Michelin n°106, ça donne à peu prêt la tête d’un Mickey Mouse qui aurait reçu un coup de matraque pendant une manif de gilets jaunes sur les champs élysées. Mais ce n’est que la première ébauche du tracé.

Début 2017, il y a le lancement mémorable aux grands Voisins, dans la salle de la blanchisserie archi comble. Puis les premières Caravanes qui sont au début conçues par Alexandre comme un projet culturel. Des artistes invités qui ne connaissent pas forcément la très grande ville dans son ensemble, ont pour mission de nous restituer leur propre mise en récits des territoires traversés (pluralités des récits etc.) lors des doubles journées de marche organisées plus ou moins toutes les 6 semaines. Évidemment, ça ne marche pas du tout comme prévu. Les photographes sont à la traine derrière nous et n’ont rien à faire de notre histoire à nous !? Et je ne me sens pas l’âme d’un tour opérateur pour photographes nantis. Oups.. Nan je devrais par dire ça. En tout cas leurs images sont tellement belles que je n’arrive plus à sortir mon appareil photo, c’est malin..

Progressivement les caravanes se transforment en véritables ateliers de repérages, elles s’espacent mais font l’objet d’une préparation de plus en plus précise et méthodique, avec des intervenants, un chronométrage. Ce vaste processus de repérage, va donner lieu à des pré-repérages, des pré-pré-repérages voir des post-repérages, là je parle pour moi, et de ma façon de tricoter une sorte de maillage à grande échelle d’exploration du système urbain, mais pas que pour moi. En tout cas, courant 2017, je vais passé de 30 kilomètres de marche par semaine à 60 kilomètres. Dans mon cas, la marche et le kml, le tracé sur GoogleEarth, le report sur les Ign au crayon, au stylo bille ou au marqueur cela va manger toute autre velléité de productivité mais probablement me sauver la vie ! Parcourir mes souvenirs, desceller les zones inconnues, repérer les lignes de désirs pour les futurs explorations. La pratique du marqueur sur carte Ign devient également une méthode de relaxation. Notamment, Je stabilote les limites communales en rouge gras, avec toujours cette phrase en tête « la ville nait de ses Marges », les frontières communales révèlent les véritables origines de la ville.

Ce doit être avec la peur du Leviathan, une autre raison de ne pas vouloir considérer le Très Grand Paris. La très grande ville contemporaine est un amalgame bien organisé, bien quadrillé, mais construit avec de la boue, des nomades et des pauvres, des exclus, des classes dangereuses, des trafiquants en tout genre, qu’il faut tenir loin du droit de cité, loin de la représentation, rendre invisible, effacer. La métropole peut-elle se représenter elle même alors, autrement que comme l’énorme cancer qu’elle est effectivement. L’image ci-dessous le démontre comme le film de Boris sur Varsovie, notre pratique de la cartographie et de l’image aérienne qui accompagne nos pas est dans un parfait parallélisme avec la lecture des imageries médicales qui accompagne les chirurgiens dans leurs gestes. Il faut apprendre à zoomer et de-zoomer sans cesse pour analyser les moindres interstices urbains proliférants au sein de ce système organique du très grand Paris, là où la suburbia n’a pas encore vraiment triomphé. L’exercice peut-il être complètement salvateur ?

Lors de la caravane 17, c’est le clash avec Paul-Hervé quant il veut tourner à droite et moi à gauche. J’ai préparé une Caravane, lui un rendez vous de l’École de la Marche avec nos collègues européens qui ne comprendront surement rien à notre projet de Sentier du Grand Paris, tant pis. Pourtant rue de Liège il y avait Dionysos qui nous attendait, la porte grande ouverte, peu importe. C’est le retour du projet culturel ? Mais l’important n’est pas là, l’important est d’établir cette nouvelle circulation, qui porte en elle ces trois années de marches, qui articule quelque chose, un peu comme une grande phrase de Proust. Il faut prendre sa respiration de temps en temps, c’est un peu sportif, mais pas forcément trop. Le clash passé, Paul-Hervé se met à écrire, tout seul pendant l’hiver dans son coin, pendant que moi je passe sur le billard, Baptiste me tiens pour mort. Au Plessis-Robinson, juste en-dessous de la grande terrasse du CEA de Fontenay qui offre une vue formidable sur la ville quantique, les chirurgiens me découpent en deux puis me recollent à la glue, et ça à l’air de marcher impeccable leur truc, au printemps le covid se pointe. Voilà enfin une bonne nouvelle, un événement capable d’arrêter le trafic aérien (bravo !), remettre en cause notre petit train train absurde et polluant, s’attaquer en priorité aux sur-actifs (ceux qui polluent le plus en produisant trop), je complète la trame, je reprends la circulation en écrivant comme si j’avais déjà fait plusieurs fois le tours du trilobe, et Paul-Hervé reprends à son tour la circulation (il travail énormément), Baptiste remouline tout ça (il travail trop, c’est sûre et certain), Jens finis par participer de façon constructive (il est comme moi très fort pour les zigzag, les chaussettes, la dérive en Rer loin du but, mais ne l’assume pas encore), et Noémie arrive à nous tempérer un peu pour qu’on évite de s’écharper. Il en ressort finalement une bonne musique. Et on essaie de se souvenir de toute les histoires que nous nous sommes racontés. J’ai jamais été fait pour la synthèse, mais grâce au collectif, et bien je m’en approche !?

Bon, mais en fait ce n’est que le début, maintenant, faut emmener du monde marcher, enfin se mettre à produire un petit peu, baliser l’itinéraire, imprimer des posters, et vendre des tote bags, oui pourquoi pas, encore un tour de trilobe, j’ai envie d’encore plus marcher, d’encore plus écrire, d’encore plus parler, ouille ouille ouille !!

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